Chalmin Philippe

 

Philippe Chalmin est un professeur d’économie français, spécialiste du marché des matières premières. Économiste néoclassique, il est le fondateur du Cercle Cyclope, qui publie chaque année depuis 1986 un rapport complet sur l’état et les perspectives des marchés mondiaux de matières premières.

Philippe Chalmin est diplômé de l’Ecole des hautes études commerciales, docteur d’Etat ès lettres et sciences humaines («L’Emergence d’une firme multinationale au sein de l’économie sucrière mondiale : Tate and Lyle, 1860-1980 », 1981).

Il a également été assistant au groupe de recherches et d’études sur les stratégies agro- alimentaires d’HEC de 1974-1976, puis professeur agrégé d’histoire, successivement assistant, maître-assistant et sous-directeur de laboratoire au Conservatoire national des arts et métiers de 1976 à 1991, conseiller économique de la Société française d’assurance-crédit, professeur des universités associé à mi-temps en sciences économiques à l’Université Paris-Dauphine de 1994 à 2006, puis professeur des universités titulaire en histoire contemporaine depuis 2006 et directeur du DESS puis master en affaires internationales depuis 1999.

Conseiller économique du groupe Euler jusqu’en 2002, il intervient dans l’émission « Y’a pas que le CAC » sur I-Télé et signe de nombreuses chroniques dans la presse.

En 2021, Philippe Chalmin, spécialiste des marchés de matières premières, professeur à l’université Paris Dauphine et éditeur du rapport de référence, Cyclope publie une analyse fine sur la flambée des prix des matières premières.

21 avril 2022 – Capital – Guerre en Ukraine : l’Europe doit-elle craindre une pénurie de céréales ?

Alors que la guerre a entraîné une flambée inquiétante des matières premières, Philippe Chalmin* détaille ce qui pourrait nous attendre.

La crise des matières premières que nous connaissons aujourd’hui est-elle inédite ? Philippe Chalmin : Depuis les années 2008-2012, nous n’avons pas connu un tel climat de fébrilité. Dès que surviennent des problèmes en ce bas monde, les marchés de matières premières sont les plus perturbés et ont tendance à accentuer les tensions géopolitiques et géo-économiques de la planète… Cette fois, la situation est assez exceptionnelle : la guerre éclate alors même que les cours avaient connu un extraordinaire rebond en 2021, après la pandémie. La crise ukrainienne intervient comme une étincelle supplémentaire sur un baril prêt à exploser.

Quelles sont les répercussions les plus inquiétantes ? Selon moi, le véritable choc est celui de l’énergie. L’Europe a sciemment construit sa dépendance envers la Russie et la paie aujourd’hui. Le prix du gaz naturel a fluctué entre 5 à 10 euros le mégawatt ces dix dernières années. En 2021, il a commencé à augmenter pour culminer à 160 euros début décembre, ce qui nous paraissait déjà totalement insensé. Le 7 mars dernier, il a atteint 340 euros en séance, les marchés anticipant la fermeture des robinets russes, c’est vous dire la période de folie que nous vivons…

Cette hausse a des répercussions multiples. D’abord, elle entraîne mécaniquement une augmentation du prix de l’électricité car, dans le système européen, sur le marché libre, il est déterminé par le prix du dernier kilowattheure de la dernière centrale appelée, généralement une centrale au gaz. Ensuite, elle provoque une flambée du prix des engrais, une bonne part étant obtenue à partir d’ammoniaque donc de gaz naturel.

S’ajoute, sur ce point, le fait que l’Ukraine possède de grosses installations de fabrication d’urée, le principe de base des engrais azotés, et que la Russie et la Biélorussie sont de très gros producteurs de potasse. Enfin, la hausse a un effet indirect sur le cours du Brent. Si vous ramenez le gaz en équivalent pétrole aujourd’hui, il vaut deux fois plus cher, à 300 dollars le baril, il y a donc un transfert qui s’opère.

La crise est aussi agricole… La mer Noire est devenue le deuxième bassin mondial d’exportation de grains (céréales et oléagineux), derrière le golfe du Mexique. Il représente 30% des exportations mondiales de blé, 20% de maïs et 75% de tournesol. Actuellement, il est fermé. Les ports ukrainiens sont à l’arrêt, bien sûr, mais les russes aussi, depuis qu’un bateau a été touché par un missile. Résultat, les prix du blé ont augmenté de 130 euros la tonne en quelques jours.

L’Europe, quasi autosuffisante, est protégée, mais la situation est bien plus inquiétante pour les pays du bassin méditerranéen et d’Afrique subsaharienne, très gros importateurs. En Egypte ou en Algérie, les approvisionnements sont gérés par des offices d’Etat, donc par des fonctionnaires, pas forcément très agiles. Le 17 février, les Algériens avaient lancé un appel d’offres sur 700.000 tonnes de blé, payées 345 dollars, sûrement du grain russe ou ukrainien qui risque de ne jamais être livré. Le 9 mars, ils ont renouvelé un appel sur 500.000 tonnes qu’ils ont payées 485 euros…

L’Algérie a beaucoup de gaz comme source de revenu, mais en ce qui concerne l’Egypte, le Maroc et des pays africains importateurs de blé, sans rente pétrolière ou gazière, les risques sont importants.

La question est cynique, mais cette flambée fait-elle les affaires des agriculteurs français ? Les céréaliers peuvent y gagner un peu, mais la hausse des prix de vente leur permettra surtout de compenser l’inflation des engrais, dont le coût à l’hectare a déjà doublé. D’autres agriculteurs vont terriblement souffrir, les éleveurs de porcs notamment. Les hausses du blé fourrager et du maïs vont entraîner une nouvelle augmentation des prix de l’alimentation animale, qui étaient déjà passés de 240 euros la tonne en 2020 à 309 euros en janvier.

Comme, en outre, le cours de la viande a tendance à baisser, la marge brute de l’élevage s’est déjà effondrée, à 806 euros par truie et par an, contre 2.000 euros en 2019. Aujourd’hui, les niveaux de coût de production ont peu d’incidence, car c’est le prix du marché mondial qui détermine tout. C’est bien pour cela qu’un éleveur de viande bovine en race allaitante n’a jamais pu couvrir la totalité de ses dépenses ces dix dernières années, aides européennes incluses.

Des mouvements sur les marchés vous semblent-ils exagérés ? Dans certains cas, oui, sur les métaux surtout. La stupeur générale causée par cette guerre a entraîné une chute des marchés boursiers et un report sur les matières premières. Les hausses des métaux ne sont pas justifiées par le poids de la Russie. Le pays n’a de rôle prédominant que sur le palladium (utilisé dans les pots catalytiques des véhicules à essence) et le titane.

Dans une moindre mesure, il pèse sur l’aluminium – loin derrière la Chine, qui représente la moitié des volumes – et le nickel : la Russie produit 10% du total mondial, 25% du nickel dit de qualité batterie, utilisé dans les véhicules électriques. Début mars, ce cours a connu une semaine de pure folie, passant de 25.000 euros à 100.000 euros la tonne, mais c’est un épiphénomène : l’envolée a été provoquée par le pari boursier raté d’un très gros acteur chinois.

Que doit craindre le consommateur français ? Il est relativement protégé des conséquences directes de la crise ukrainienne. La principale répercussion pour lui, c’est le coût de l’essence. En ce qui concerne les prix alimentaires, il faut faire attention à ce qu’on lit. Par exemple, le tarif des spaghettis ne va pas augmenter à cause de la guerre : les pâtes sont fabriquées à partir de blé dur, et le bassin de la mer Noire ne produit que du blé tendre ! Quant à l’impact sur le prix du pain, il ne peut être que modéré : la part du blé avoisine 7% dans le prix (hors taxe) de la baguette…

CAPITAL

 

 

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