Le 8 mars 2022, Arthur Guérin-Boeri a battu un record fou : celui de la plus longue distance parcourue en apnée sous la glace. Le Niçois était déjà détenteur du record masculin, établi à 90 mètres. Spécialiste de cette discipline risquée, reconnue officiellement depuis l’an passé, il a réussi à nager 105 mètres dans une eau glacée sans respirer, battant le record absolu détenu par la Finlandaise Johanna Nordblad (103 mètres).
Posséder un gêne aquatique, voilà bien ce qui pourrait caractériser Arthur Guérin-Boëri et son attirance inexorable pour l’eau ! En effet, très tôt, celui-ci comprend qu’il a un rapport particulier avec cet élément et malgré des études d’ingénieur du son, il finit par se retrouver dans un club d’apnée. Habitant en région parisienne, la possibilité de découvrir les fonds marins est rapidement écartée et c’est ainsi qu’il découvre l’apnée indoor. Rapidement, le don d’Arthur saute aux yeux de son club, du staff de l’équipe de France et enfin à ceux du monde entier avec des records et des titres à la pelle. Aujourd’hui, Arthur est l’apnéïste le plus titré de France grâce à son immense palmarès en indoor mais il ne compte pas s’arrêter là et a décidé de venir embêter les spécialistes de la profondeur.
Grand gaillard d’1,93 m, « AGB » a d’abord été sacré trois fois champion du monde d’apnée dynamique (2013, 2014, 2015) avant de devenir le premier à atteindre les 300 m avec palmes (2016).
L’apnée en eau froide étant déjà, à la base, plus contraignante qu’en milieu tempéré. « Cela n’a rien à voir, confirme-t-il. Dans l’eau froide, on a très vite envie de respirer, musculairement on est rapidement engourdi. C’est un vrai challenge, c’est plus extrême.» Quand il n’est pas à Paris, « AGB » s’entraîne dans des lacs gelés de l’arrière-pays niçois. Dans l’eau froide et sous la glace, les sensations sont assez particulières même si l’environnement n’est, pour lui, « pas si effrayant ». « C’est assez apaisant, on est assez serein, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, on n’est pas atteint de claustrophobie aiguë tout de suite, confie-t-il. Il y a une lumière un peu diffuse, c’est un peu lunaire. »
Il lui arrive parfois de partager ses expériences peu banales avec des poissons. « Il y en a très peu sous la glace mais cela m’est déjà arrivé de croiser des truites et des carpes. Ce sont des poissons très pacifiques. »
« Moi, je suis spécialiste dans la distance à l’horizontale en eau froide et tempérée, plus que l’apnée sous glace, explique Arthur Guérin-Boëri. La distance, ça me plaît bien et me réussit bien. C’est là-dessus que je me suis attardé. Mais, la profondeur, j’adore aussi. Ce n’est aujourd’hui pas une priorité même si je n’exclus d’ailleurs pas l’idée qu’un jour je prendrais ça plus au sérieux, avec des entraînements plus encadrés et poussés. » En profondeur, il descend entre 50 et 60 mètres, peu importe la discipline, brasse, palme ou immersion libre.
Chaque semaine, il s’entraîne intensément avec trois séances d’apnée en piscine, trois en eau froide sans compter, pour le physique, des footings et des exercices de musculation. Un rythme intense. La natation et la plongée dans le froid, une obsession depuis pile dix ans. Et c’est son côté « marginal » qui l’a d’ailleurs poussé à laisser tomber son ancienne vie d’ingénieur du son puis de chauffeur pour l’univers de l’apnée sous glace. « Dans ça, il y a l’apnée, évidemment, mais aussi le côté engagement avec la prise de risques, avec 50 centimètres de glace au-dessus de ma tête, donc je ne peux pas sortir. Il y a un effort important de dépassement de soi, d’acceptation du risque. Et il y a une composante “froid”, elle oblige une certaine maîtrise et un travail sur soi. C’est assez épique et engageant, ça me plaît bien. » Son pari, c’est aussi d’arriver à tirer son épingle du jeu et de réussir à se démarquer dans un milieu de l’apnée, il faut bien l’avouer, vampirisé par la profondeur.
Pour l’instant, il a tout bon. Et cela ne semble être que les prémices d’un art très singulier. Un challenge scientifique Pour Arthur Guérin-Boëri, cette aventure qui va s’étirer jusqu’en 2022 avec cette tentative de record du monde sous la glace en maillot de bain est aussi un « challenge scientifique ». L’apnéïste est en effet au service de la science, le corps médical étant fasciné par ses exploits et expérimentations. « Des cardiologues et des physiologistes me suivent, ils analysent mes données et vont s’en servir pour les étudier, pour notamment voir comment le corps s’adapte à l’apnée, à l’eau froide et à l’apnée en eau froide. L’idée est de voir quels sont les formidables mécanismes de protection et d’adaptation du corps dans ce genre de situation. »
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