Thématiques : Philosophie sociale et politique, Ethique des sciences et techniques

Jean-Pierre Dupuy est un ingénieur, épistémologue et philosophe français.

Polytechnicien et ingénieur des mines, il est professeur et chercheur au Centre d’Étude du Langage et de l’Information (CSLI) de l’université Stanford, en Californie. Il a aussi enseigné la philosophie sociale et politique et l’éthique des sciences et techniques jusqu’en 2006 à l’École polytechnique.

Biographie :

Ancien élève de l’École polytechnique, Jean-Pierre Dupuy a fondé le centre de sciences cognitives et d’épistémologie de l’École polytechnique (CREA) en 1982 avec Jean-Marie Domenach. Ce centre est devenu une unité mixte de recherche (UMR) en 1987. Dès l’origine, sa vocation a été double et a concerné aussi bien la modélisation en sciences humaines (modèles d’auto-organisation de systèmes complexes tant cognitifs, qu’économiques et sociaux) que la philosophie des sciences et, en particulier, l’épistémologie des sciences cognitives. En 2001, l’UMR s’est réorganisée et a décidé de se constituer en un laboratoire polyscientifique de sciences cognitives théoriques.

Jean-Pierre Dupuy a contribué à introduire et diffuser en France la pensée d’Ivan Illich, qu’il a rencontré chaque année de 1974 à 1979 au Mexique au CIDOC de Cuernavaca, mais aussi celles de René Girard, de John Rawls et de Günther Anders. Une partie de son travail porte sur les nanotechnologies, un possible « tsunami » technologique à venir, dont il étudie tant les effets pervers possibles que la teneur du débat autour de ce risque. Il s’intéresse plus généralement aux appréhensions et réflexions autour des catastrophes, passées comme prévisibles. Jean-Pierre Dupuy compte également parmi les membres fondateurs du Collegium international éthique, politique et scientifique, association qui souhaite « apporter des réponses intelligentes et appropriées qu’attendent les peuples du monde face aux nouveaux défis de notre temps. »

Il reçoit le prix Roger-Caillois de l’essai 2011.

Sa pensée :

Le Sacrifice et l’envie (1992) fait référence aux deux obsessions de toute théorie moderne de la justice. Dans une société libérale, c’est-à-dire sans transcendance, l’homme doit être préservé du nombre : la perspective d’un sacrifice de l’individu à la collectivité, qui assurait autrefois la pérennité de l’ordre social, est désormais rejetée. Mais cette absence de transcendance, et l’individualisme qui en découle, libèrent l’envie, qui menace l’ordre social en permanence. Les grands théoriciens du libéralisme – au premier chef Adam Smith, John Rawls et Friedrich Hayek – ont parfaitement conscience de ce risque et chacun tente de le minimiser dans ses travaux. Rejet du sacrifice, et rejet de l’envie que ce premier rejet engendre : voilà ce qui constitue selon Dupuy la trame avec laquelle il faut lire toute théorie moderne de la justice.

Dans Pour un catastrophisme éclairé (2002) puis dans Petite métaphysique des tsunamis (2005), Jean-Pierre Dupuy part d’un constat : le seuil a été franchi. L’humanité est désormais capable de s’anéantir elle-même, par les armes de destruction massive ou simplement en continuant d’altérer ses conditions de survie. Nous savons cela, mais au fond de nous, nous ne le croyons pas. Quelle est la raison de cet aveuglement ? Le livre mène, à la suite de Bergson et de Hans Jonas, une réflexion sur le temps. Dupuy distingue le “temps de l’histoire”, auquel nous sommes habitués, et le “temps du projet”, qu’il propose comme paradigme pour penser la catastrophe et agir face à elle. Dans le “temps de l’histoire”, le temps est envisagé rétrospectivement et les possibles jamais actualisés n’ont non seulement aucun intérêt, mais ne sont pas considérés comme des possibles auxquels on peut croire. C’est parce que nous concevons uniquement le temps de cette façon que nous n’agissons contre les catastrophes qu’une fois celles-ci réalisées, « c’est l’actualisation de l’événement qui […] qui crée rétrospectivement de la nécessité »3. Le « temps du projet », lui, unit passé et futur : la catastrophe est déjà présente aujourd’hui, ce qui peut nous faire agir pour que, paradoxalement, elle ne se soit jamais produite.

Dans La Marque du sacré (2009), sur une suggestion de son éditeur Benoît Chantre, Jean-Pierre Dupuy synthétise ses ouvrages antérieurs, qui « ont pu donner l’impression […] d’une certaine dispersion »2, en mettant en exergue le fil conducteur qui les unit : la question du sacré.

Références :

  1. http://www.stanford.edu/dept/MTL/cgi-bin/modthought/mtl-people/faculty/
  2. a et b J.P. Dupuy, La marque du sacré, Ed. Flammarion, Coll. “Champs essais”, 2010
  3. Jean-Pierre Dupuy, Petite métaphysique des tsunamis, Paris, Seuil, 2005

Ouvrages publiés :

  • Avec Michel Deguy (dir.), René Girard et le Problème du mal, Grasset, 1982.
  • La Panique, Les Empêcheurs de Penser en Rond, 1991 – Réédition 2003.
  • Le Sacrifice et l’Envie. Le libéralisme aux prises avec la justice sociale, Paris, Calmann-Lévy, 1992

– Réédition sous le titre Libéralisme et justice sociale, Hachette Pluriel.

  • • Aux origines des sciences cognitives, La Découverte, 1994 – à propos des Conférences Macy.
  • Éthique et philosophie de l’action, Ellipses, 1999.
  • Les savants croient-ils en leurs théories ? Une lecture philosophique de l’histoire des sciences cognitives, INRA Éditions, 2000.
  • Avions-nous oublié le mal ? Penser la politique après le 11 septembre, Bayard, 2002.
  • Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain, Seuil, 2004.
  • Petite métaphysique des tsunamis, Seuil, 2005.
  • Retour de Tchernobyl. Journal d’un homme en colère, Seuil, 2006.
  • La Marque du sacré : essai sur une dénégation, Carnets nord, 2009.
  • L’Avenir de l’économie : sortir de l’écomystification, Flammarion, 2012.
  • La jalousie : Une géometrie du désir, Seuil, 2016.

Articles :

  • « L’individu libéral, cet inconnu : d’Adam Smith à Friedrich Hayek », dans Catherine Audard, Jean-Pierre Dupuy et René Sève (éd.), Individu et Justice sociale. Autour de John Rawls, Paris, Seuil, 1988, p. 73-125.

« Friedrich Hayek ou la justice noyée dans la complexité sociale », dans Le Sacrifice et l’Envie. Le libéralisme aux prises avec la justice sociale, Paris, Calmann-Lévy, 1992, chap. VIII (p. 241-292).

L’actualité de Jean-Pierre Dupuy

Mai 2021 : Le philosophe Jean-Pierre Dupuy publie un nouvel ouvrage “La castastrophe ou la vie, Penser par temps de pandémie”, aux éditions du Seuil.

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